[Egypte] Apopis

Ce dieu est l'ennemi éternel des dieux. Il est présent avant la création du monde dans ce milieu indiférencié, plongé dans d'éternelles ténèbres, que les Grecs assimileront au chaos. Une inscription relevée sur les parois du temple d'Esna impute sa naissance à un crachat de la déesse Neith. Résurgence dans l'univers organisé de l'inorganisation primordiale, Apopis incarne les forces maléfiques du chaos qui menacent en permanence l'ordre du monde régi par les dieux, où vivent les hommes. Il se présente sous la forme d'un serpent long de cent coudées, au souffle brûlant et aux écailles crissantes. Jour après jour, ce monstre s'attaque à la barque du dieu solaire dont il tente d'arrêter la cours. Il faut alors que les dieux recourent à tous les artifices de la magie pour déjouer ses entreprises. C'est à Isis, la magicienne, que revient souvent la tâche de le neutraliser. On la représente debout à l'avant de la barque solaire, attaquant le serpent avec la rapidité de l'éclair et le frappant de grands coups pour le rendre inconscient avant de le détruire. Apopis est détruit – on le nomme d'ailleur « le détruit » - mais pour se reformer aussitôt. La menace qu'il représente peut être contenue un moment, mais il est impossibles de l'éliminer. Apopis, « le détruit », est indestructible.

Les textes sacrés illustrent de nombreuses légendes la lutte permanente que les dieux livrent au serpent. Seth, le dieu du désert, est le héros de l'une d'elles. Il se dresse devant le monstre et réussit à l'écarter de la barque solaire en prononçant une incantation que rapportent le Livre des sarcophages datant du Moyen Empire : « Je suis ton maître. Je suis le grand connaisseur des formules magiques. Je suis celui qui porte la force. Je suis venu pour que Rê soit en paix cette nuit ». Comme tous les grands dieux égyptiens, Seth a une personnalité complexe. Belliqueux et brutal, assassin de son frère Osiris, il est celui qui déchaine la mer, provoque les orages et arrête les crues bienfaisantes du Nil. Mais cela ne l'empêche pas d'être solidaire des autres dieux dans leur lutte contre leur plus irréductible ennemi.

Dans le Livre des portes, un ouvrage datant du Nouvel Empire, Apopis est décrit sous des traits particulièrement sinistres : il conserve sa forme habituelle de serpent, mais douze tête humaines émergent de ses anneaux, les têtes des hommes et des femmes qu'il a avalées. Il suffit que le dieu solaire apparaisse pour que ces têtes se dégagent du corps monstrueux du serpent. Une fois de plus, Apopis est détruit. Mais dès que le dieu s'éloigne, il retrouve sa forme et les têtes humaines regagnent leurs places sur ses anneaux. Tout est à recommencer. Ce n'était là qu'un épisode de plus dans la lutte sans trêve des dieux contre les forces primordiales du chaos, qui ne renonceront jamais à reprendre possession du monde.

Honni par les dieux, Apopis l'était aussi par les hommes : quand une catastrophe, inondation ou famine, s'abattait sur le pays, ils disaient que la barque de Rê s'était échouée sur le banc de sable d'Apopis.